Après 20 ans de présidence depuis sa fondation de l’association « Démocratie et participation citoyenne », Camille Laplace renonce à se représenter, trop malade pour continuer à assumer cette charge. Cela faisait bien quelques années qu’à chaque AG, Camille Laplace disait qu’il serait temps de pourvoir à son remplacement, que c’était un mauvais exemple. En vain, car personne n’osait assumer une si lourde succession.
Lors de l’AG, Claude Dubouc, qui venait d’adhérer, avait posé quelques questions pertinentes sur le rapport moral, avait accepté de proposer sa candidature à l’élection du Conseil d’administration, puis succombé, dans la foulée, à la pression amicale des plus anciens pour assumer la présidence de l’association malgré ses multiples engagements.
Juste après sa prise de fonction, un discours très enthousiaste sur les enjeux de nouvelles pratiques démocratiques pour l’avenir de la société, le développement des valeurs de respect de la personne, de l’égalité des droits, du partage du pouvoir avait séduit et fini par vaincre les dernières résistances à son leadership.
Claude Dubouc avait rapidement tenté d’introduire plus de rigueur dans les réunions, plus de dynamisme et d’ambition dans les projets souvent adoptés sur le fil du rasoir, avait assumé de plus en plus de charges pour pallier au manque d’implication des autres membres, plusieurs fois regretté d’ailleurs : le soutien et l’admiration d’un petit nombre d’inconditionnels l’encourageait à poursuivre dans ce sens. Un poste d’ « emploi aidé » avait été créé et la personne retenue, sans expérience, avait bien du mal à être la hauteur des attentes, mal définies, nourries à son égard. Plusieurs fois Claude Dubouc avait manifesté sa déception de façon très dévalorisante à son encontre.
Lors de la discussion sur la préparation de l’AG, Claude Dubouc dû faire face à une inattendue révolte au sein du CA. Celle-ci était animée par Charlie Dercachet – ex-fan de Camille Laplace – qui avait beaucoup plaidé en faveur de son élection. Charlie Dercachet avait l’oreille des personnes les moins actives et sans responsabilité spécifique au sein du CA : furent contestés pèle mêle, son autoritarisme, son ton cassant, des décisions prises sans concertation sous prétexte d’urgence et certaines (en fait très petites) dépenses de représentation… Après avoir essayé de se défendre en faisant valoir ses réalisations certes encore modestes mais prometteuses, ses bonnes relations avec les services de la Préfecture et le député, Claude Dubouc, au grand dam de ses admirateurs et dans un accès de colère froide, quitta la séance.
Lors de l’AG, la lecture en son absence de sa lettre de démission – qui mettait ses échecs sur le dos de la mauvaise volonté de ses adversaires et de l’incompétence du secrétariat – a provoqué quelques échanges pleins de rancœur, des débats houleux et d’autres démissions. Heureusement, une personne de l’assistance, Camille Légaud, a su trouver les mots justes pour apaiser les débats et évoquer des questions de fond sur le partage du pouvoir, les décisions au consensus, les processus cachés dans un groupe, les phénomènes d’exclusion etc. Puis, pressés par l’heure tardive, on a fait appel à candidatures pour remplacer les démissionnaires : Camille Légaud a accepté à condition que le CA change ses pratiques, se donne du temps pour retravailler sur son fonctionnement et puisse faire des propositions de modifications des statuts en vue d’une AG extraordinaire. Rassurées, d’autres personnes ont accepté de se présenter aussi. L’assemblée a élu à l’unanimité et a main levée les nouveaux candidats et a manifesté son soulagement par de chaleureux applaudissements.
Le CA s’est mis au travail, non sans peine. Il a d’abord fallu mettre fin à l’emploi aidé, par manque de moyens financiers puis convaincre son bénéficiaire frustré de renoncer à porter plainte pour harcèlement contre Claude Dubouc. En ce qui concerne la réforme des statuts, comme il s’agissait d’introduire des modalités de fonctionnement plus collégial, les résistances étaient grandes au sein du bureau.
Le projet de nouveaux statuts à soumettre à l’AG extraordinaire fut adopté de justesse, grâce à la voix de la présidence, comptant double en cas d’égalité. Les adhérents vinrent beaucoup plus nombreux que d’habitude, certains s’en étonnèrent ! Les articles qui impliquaient un partage équilibré du pouvoir et limitaient à deux mandats de deux ans la présence au CA, furent rejetés, car combattu avec la dernière énergie par Charlie Dercachet qui a renversé la majorité en faisant un vibrant discours plein d’émotions sur la fidélité due aux personnes et aux valeurs qui avaient présidé à la création de l’association. Son intervention dénonçait les risques d’anarchie, lesquelles menacent la démocratie, dernier rempart du monde libre… et proposait que la présidence, par souci de collégialité, soit dorénavant assumée par les trois membres du bureau. Un article fut rédigé en toute hâte dans ce sens et adopté de justesse, non sans remous.
La suite au prochain numéro !
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