Conférence prononcée par Hervé Ott lors du colloque “Éducation, mimésis, violence, et réduction de la violence” , Saint Denis, le 28-30 mai 1998 et publié dans “Violence et éducation, de la méconnaissance à l’action éclairée”, présenté par M.-L. Martinez et J. Seknadjé-Askénazi. L’Harmattan 2001, p.330-339
EXTRAIT :
Mon activité de formateur dans le domaine du traitement des conflits s’est essentiellement concentré autour du travail avec des adultes, aussi bien dans les situations de luttes de libération nationale comme en Nouvelle-Calédonie, de défense des droits de l’Homme au Tchad ou au Sénégal, en situation de guerre civile au Liban, ou plus récemment en banlieue parisienne avec les travailleurs sociaux, gardiens d’immeubles etc. Depuis quelques années j’anime des stages de formation à la pédagogie interculturelle et un cycle de formation de formateurs européens à l’intervention civile. Mais les outils que j’utilise dans cette formation sont parfaitement accessibles aux enfants dans la mesure où ils font plus la part au ressenti qu’à l’analyse et que les enfants dans ce domaine sont beaucoup moins handicapés que nous adultes.
Dans mon travail d’éducateur d’ailleurs, en tant que père de trois enfants, j’ai pu tester l’efficacité de comportements différents. Je faisais depuis longtemps la distinction entre le jugement de personne et le jugement de comportement que j’illustrais par la formule : “dire à un enfant “tu as fait une bêtise” est tout à fait différent que lui dire “tu es bête” . Mais c’est en testant cela avec une de mes filles de 7 ans, que sa réaction m’a permis de dépasser le jugement pour exprimer mon ressenti : “en fait, je suis embêté”. Voilà comment je résumerai l’essentiel de ma pédagogie dans le domaine d’une approche constructive et créative des conflits, qui consiste à transformer le discours, depuis “tu es bête”, en passant par “tu as fait une bêtise”, pour arriver finalement à “je suis embêté”. Ce travail sur la sensibilité, sur la perception de soi et des autres est au coeur de toute pédagogie pour transformer les conflits en instrument de développement personnel et de groupe, que ce soit dans la dimension relationnelle, économique ou politique.
Distinguer les différentes formes de conflits et ce qui les structure.
Dans le domaine de la formation à l’attitude et aux techniques dites “non-violentes”, j’ai développé une approche des conflits selon les catégories de gens qu’ils mettent en oeuvre. Ainsi je distingue, à la suite de Johan Galtung, trois pôles de conflits : la personne, la structure et la culture.
Le pôle “personne” comprend les dilemmes ( conflits intra-personnels) et les disputes (conflits interpersonnels) avec un cas particulier pour les conflits dans les couples.
Le pôle “structure” concerne les conflits dans les groupes (avec un cas particulier concernant la famille), les conflits entre les groupes dans le même ensemble légal, appelé aussi conflits sociaux, puis les conflits internationaux entre les États.
Le pôle “culture” comprend les conflits inter-éthniques ou globalement interculturels.