Dans cette conférence donnée à Rodez à l’automne 2005, Hervé Ott expose quelques éléments centraux d’une démarche pour transformer notre culture de la rivalité à outrance en une culture de la paix et des conflits constructifs dans les relations interpersonnelles, les groupes et institutions, les conflits sociaux… En annexes, des textes de formation sur les dimensions personnelle, structurelle et culturelle de la violence et de la paix.
Format : 25 pages A4
Commande et règlement par chèque à l’ordre de IECCC adressé à IECCC, Potensac 12100 Millau
EXTRAIT :
Introduction
Le texte qui suit a été écrit pour une conférence qui s’est déroulée le 26 septembre 2005 à Rodez. Des questions de l’assistance ont permis d’approfondir certains aspects abordés ici qui n’ont pas pu être repris par écrit.
Pour être complète, cette approche d’une problématique d’une culture de la paix ne peut pas se limiter à la seule dimension des relations interpersonnelles et de ce qui se passe dans les groupes. Je me permets donc de renvoyer à deux autres brochures que j’ai publiés antérieurement :
“ Face à la violence, le courage civil ” traite de la question des violences urbaines et des attitudes que peuvent prendre les individus quand les pouvoirs publics n’assument pas leur responsabilités ou quand il s’agit de niveaux d’incivilités qui ne peuvent pas avoir un traitement juridique. Étant intervenu comme formateur dans une quinzaine de villes de la banlieue parisienne en particulier, j’ai pu me faire une idée de ce qui s’y passe et surtout de ce qui s’y dégrade en termes de tissu social.
“ S’entraîner à l’action publique sans violence ” aborde la formation nécessaire à l’organisation et la mise en œuvre de formes d’action publiques pour dénoncer ou résister à l’injustice de quelque nom qu’elle s’appelle. C’est le deuxième volet de la dimension sociale.
Si je me limite à ces trois dimensions, personnel-interpersonnel, groupes et social, c’est parce qu’au-delà, les questions de paix prennent une dimension qui échappe très vite à la sphère de contrôle des citoyens. Rentrent en compte des dimensions diplomatiques et surtout économiques qu’il est difficile d’aborder en quelques pages. Je pourrai tout du moins renvoyer à un petit livre “ La paix indésirable ? ” publié par J. K. Galbraith, sous un pseudonyme, épuisé depuis. Il apportait toute une série d’éléments qui nous contraignent à nous demander si un monde sans guerre, sans injustice, est vraiment désirable tant cela nous obligerait à transformer nos modes de vie en société. Je ne dis pas qu’ici ou là et de façon ponctuelle, il ne soit pas possible de faire bouger l’histoire, de renverser une dictature. La chute du mur de Berlin et du “ bloc de l’Est ” a été aussi le résultat d’une mobilisation extraordinaire des populations et des militants pour les droits des humains des pays de l’Europe de l’Est. La fin de l’apartheid en Afrique du Sud, de la guerre civile en Irlande, et tant d’autres exemples de luttes de libération nous démontrent que lorsque les victimes s’organisent sans avoir recours à la violence, elles peuvent ébranler et renverser les dictatures les plus féroces. Mais très vite hélas, la réalité des rapports de domination reprend ses droits. On dira alors que je suis pessimiste. Voire.
Quand on parle de culture de la paix, on fait appel, sans le savoir, à un imaginaire qui n’est pas forcément très lucide. Celui-ci met en action des espoirs mais aussi beaucoup de peurs et de comportements “ archaïques ” qu’il importe de regarder en face.
C’est pour nous permettre de réviser les fondements de cette culture inconsciente de la violence que je propose de travailler d’abord à une petite échelle, celle de la relation, celle de nos modes de fonctionnement en petits groupes. Car c’est en modifiant nos représentations à ce niveau que nous pouvons envisager de changer les comportements sociaux à un échelon plus important et plus durable. La paix décrétée par les “ chefs d’État ” est toujours fragile et ambiguë, elle ne dure que le temps de la préservation de leurs intérêts idéologiques et économiques. C’est en construisant de réelles solidarités locales, puis nationales, continentales et inter-continentales que nous pourrons faire bouger les choses. Mais sommes-nous prêts à entendre, à attendre, celles et ceux qui n’ont pas les mêmes objectifs que nous ? Et dans nos petits groupes, sommes-nous prêts à mettre en œuvre des modes de fonctionnements qui restent en cohérence avec nos valeurs, plutôt que de vouloir avancer seul au nom du “ réalisme ” et de “ l’efficacité ” ?
Puissent les réflexions qui suivent aider les lectrices et lecteurs à poursuivre ou commencer une démarche de formation pour apprivoiser toutes les peurs qui nous encombrent et regarder notre prochain comme une personne qui souffre et a besoin de notre compassion.
Hervé Ott