Agressivité…
L’étymologie vient de “aggredi” qui signifie en latin “ marcher vers ” le fait de “ rentrer en contact”, y compris ” l’agression”.
Ce terme recouvre en fait deux sens : l’un pour parler d’un phénomène du vivant, l’agressivité sert à la préservation de l’espèce : le chat mange la souris, le lion mange l’antilope… C’est cette même agressivité qui donne au nouveau né l’énergie pour téter ou crier quand il souffre. C’est celle qui nous fait inventer des choses nouvelles, par nécessité ou par plaisir, par adaptation. Dans son Essai sur la destructivité humaine, “La passion de détruire” (R. Laffont 1973), Erich Fromm distingue cette agressivité qu’il qualifie de “bénigne” car elle préserve l’espèce de sa disparition, de ce qu’il appelle “l’agressivité maligne”, ou destructivité qui est le propre de l’être humain, et qui bien au contraire, risque de provoquer la disparition de l’espèce humaine (guerre atomique !). Il montre comment cette agressivité destructive s’est développée avec le “développement” économique, démographique… des sociétés de cueillette, d’élevage, agricoles puis industrielles.
Denise van Caneghem ( (Agressivité et combativité, PUF 1978) préfère, quant à elle, le terme de “combativité” pour signifier cette “agressivité bénigne”. Ce terme à l’avantage de ne pas pouvoir être confondu avec “agressif”, car c’est plutôt bien vu quand on dit de quelqu’un il est “combatif”..
Pour ce qui nous intéresse nous retiendrons que même lorsqu’elle est destructive, l’agressivité est la manifestation d’une “recherche de contact”. Certes elle est alors maladroite car destructive, mais au départ il y a un désir de rentrer en relation. Quand enfant, telle personne n’a pas été éduquée à négocier, à patienter ou a vécu trop de frustrations, alors elle n’a retenu qu’une chose : c’est en agressant les autres qu’elle obtient qu’on s’occupe d’elle (amour, reconnaissance…) même quand c’est de façon négative.
…et respect
Le respect, du latin “ re – spicere ”, regarder en arrière, avec du recul : c’est le mouvement inverse de l’agressivité. Si, m’élançant vers quelqu’un, je constate en percevant sur son corps, son visage, des signes de peur, de recul, alors je freine mon élan et fait même quelques pas en arrière pour remettre de la distance entre nous. Le viol, c’est justement quand je franchis les limites corporelles ou symboliques de l’autre sans son autorisation. La loi est là pour marquer les limites convenues au sein de la même culture, à ne pas franchir.
Violence
Là encore il est nécessaire de bien distinguer
qu’elle caractérise les rapports entre les humains. Un animal n’est pas violent, sauf
– s’il est mis dans des conditions de vie où sont minimum vital est en danger (des rats concentrés dans un espace clos et restreint vont s’entre-tuer jusqu’à ce que l’espace nécessaire à quelques survivants soit rétablit : il y a là un mécanisme de “préservation de l’espèce” et un instinct qui empêche sinon aux animaux de tuer leurs congénères
– s’il est dressé par l’homme.
C’est par “abus de langage”, qu’on parle de la “violence d’un orage” sauf si l’on veut par-là signifier qu’il a provoqué des souffrances chez les êtres humains.
L’être humain n’est plus inhibé face à la violence contre les humains : c’est pourquoi ont été instituées des règles, des commandements, des lois qui disent les limites de ce qui est tolérable en société. La perception de ces limites évoluant, les lois évoluent aussi.
différents niveaux : la violence directe ( depuis le jugement des personnes, l’injure, jusqu’au meurtre), la violence structurelle ou institutionnelle (les phénomènes d’exclusion, de “bouc émissaire”, de double contrainte, d’exploitation…) dont on ne peut pas dire que c’est telle ou telle personne qui en est à l’origine ; et la violence culturelle, celle des représentations, qui prétend que les uns sont supérieurs aux autres (racisme, sexisme…), celle des justifications, qui sous couvert de légitimer la défense, légitiment la violence… (cf Johan Galtung…)
différentes formes de violences : la violence de situation qui provoque une violence de révolte qui justifie une violence de répression… (Don Helder Camara, La spirale de violence Déclée de Brouwer 1970).
Ainsi est-il abusif de parler de “la” violence car cela nous ramène souvent à ne parler que de l’événement violent et pas des conditions qu’ils l’ont favorisé. De même est-il injuste de stigmatiser une catégorie sociale comme étant “violente” (les jeunes !) car les comportements des individus, des groupes sont toujours inscrits dans un contexte.
DES DEFINITIONS ?
Il existe de nombreuses définitions de la violence.
Paul Ricœur (Histoire et Vérité, Seuil) la définit comme “ tout ce qui fait faire à l’autre – de façon réelle où symbolique – une expérience de mort ”.
Ou Yves Michaud : “Il y a violence quand, dans une situation d’interaction, un ou plusieurs acteurs agissent de manière directe ou indirecte, massée ou distribuée, en portant atteinte à un ou plusieurs autres à des degrés variables soit dans leur intégrité physique, soit dans leur intégrité morale, soit dans leurs possessions, soit dans leurs participations symboliques et culturelles” (La violence, Que sais-je ?)
En ce sens il ne peut pas y avoir de “bonne”, de “juste” violence.
Sans vouloir voir en l’humain un être fondamentalement bon, les écoles de sciences humanistes qui se sont développées à partir de Carl Rogers (Le développement de la personne, Dunod, 2000) voient dans les comportements “violents” l’expression de fortes frustrations, de blessures anciennes (et non d’une “pulsion de mort”) qui empêchent l’individu de garder de l’empathie pour ses congénères. En ce sens chaque humain garde en lui, par-delà ses pires crimes, une parcelle d’humanité, de sensibilité, qu’il s’agit de savoir réveiller. D’ailleurs tout être humain garde en son fort intérieur la trace (culpabilité, honte) des blessures qu’il a infligées aux autres. Voir Bruno Bettelheim, Le coeur conscient R. Laffont 1972 ; Pierre Karli L’homme agressif P.B.P 1979 ; id. Les racines de la violence O. Jacob 2002 ; Françoise Héritier De la violence O. Jacob 2003 ; Charles Rojzman La peur, la haine, la démocratie D.D.B. 1992 ; Michel Wieviorka Un nouveau paradigme de la violence ? L’Harmattan 1997.
Le non-dit de la violence
La violence est la manifestation d’une incapacité à mettre en mots des émotions, des ressentis, de négocier ses besoins, ses désirs.
La violence est d’abord le résultat d‘un “non-dit” : chaque fois qu’il y a “sous-entendu”, “mal-entendu”, “implicite” ou “refoulement” il y aura à un moment ou un autre une expression violente.
Ce qui rend “dangereuses” les émotions, c’est qu’elles soient refoulées en tant qu’émotions mais exprimées sous formes de jugements (transfert, projection) ou passage à l’acte (coups).
Des évolutions
On pourrait s’étonner que le développement de nos sociétés “modernes” s’accompagne de tant de violences. Si la grande criminalité n’a cessé de diminuer depuis plus d’un siècle, la “délinquance” elle, n’a cessé de croître en parallèle avec la croissance économique.
Si la guerre classique a disparu en Europe, elle se développe toujours à sa périphérie, chaque pays restant sous la menace de la bombe atomique et développant des forces pour protéger ses ressources stratégiques à l’extérieur.
Il est tout aussi paradoxal de constater que plus les individus sont “égaux”, par une diminution des “contraintes” sociales (démocratie, libertés, droits mieux définis…), plus la rivalité s’exacerbe entre-eux. Les mécanismes de “bouc émissaire” sont mieux identifiés, mais l’inflation des lois ne diminue pas les transgressions (cf René Girard Des choses cachées depuis la fondation du monde Grasset 1978). Plus l’individu est reconnu dans son individualité, plus diminue l’influence des régulations collectives (religions, morales, idéologies…), plus l’auto-contrôle devient une exigence forte pour chacun-e.
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